A la découverte du monde vivant souterrain des Causses du Quercy !

Cet article a été rédigé par :

  • Sébastien DURAND, Chef de service Eau et Assainissement, Parc naturel régional des Causses du Quercy,
  • et Louis DEHARVENG, Directeur de Recherches CNRS, chargé de mission « Gestion de l’environnement » au Muséum National d’Histoire Naturelle, et membre de l’équipe du MNHN : Diversité périspécifique, Spéciation, Interactions, Invasions

La découverte de nouvelles espèces vivantes est exceptionnelle en France métropolitaine, qui a été explorée par les biologistes depuis de nombreux siècles. Mais le monde vivant souterrain reste encore mal connu, du fait des difficultés d’accès et de la faible répartition de la plupart de ses espèces. Les rares explorations spéléologiques dans notre territoire des Causses du Quercy montrent pourtant une richesse faunistique remarquable.

Pour lever ce voile, le Parc naturel régional des Causses du Quercy, en partenariat avec le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris et le Comité Départemental de Spéléologie du Lot, a monté un programme d’études de deux ans de la micro-faune souterraine.

Grâce au concours de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, une première expédition en territoire karstique   s’est achevée à la fin de l’été 2014. Une vingtaine de cavités, 5 dolines froides et 5 stations de milieu souterrain superficiel (éboulis de pente) ont été échantillonnées, ainsi que des sols de surface. Cette campagne a permis d’identifier d’ores et déjà 4 espèces de collemboles , dont deux très probablement nouvelles pour la science. Les échantillons collectés sont en cours d’étude par une équipe du Muséum.

On avait décrit jusqu’ici 4 espèces de collemboles souterrains dans le Quercy, c’est à dire plus que tout autre groupe vivant souterrain. Les nouvelles découvertes de cette campagne vont ajouter 2 espèces, aveugles et sans pigment, à ce nombre. Aucune espèce nouvelle n’a été rencontrée dans les autres groupes cavernicoles collectés et analysés au cours de cette première campagne.

Avec ces découvertes, le nombre d’espèces terrestres strictement cavernicoles du Quercy s’élève à 1 araignée, 1 pseudoscorpion, 2 diplopodes (mille-pattes), 2 isopodes (cloportes), 6 collemboles, 1 campodéide, 2 coléoptères, auxquelles s’ajoutent quelques espèces aquatiques.

Le Quercy se place donc parmi les territoires les plus riches de France en faune souterraine, après les Pyrénées et, au niveau des karsts, de l’Ardèche et des Alpes du sud. Ces cavernicoles sont pour la plupart connus uniquement des grottes du Quercy, et représentent ainsi le plus important contingent d’espèces vivantes restreintes à la région (micro-endémiques).

En complément à l’identification des spécimens au microscope, des analyses moléculaires et génétiques sont en cours sur certaines espèces, qui permettront de déceler d’éventuelles différences génétiques de part et d’autres des grandes barrières naturelles que sont les rivières Lot, Célé et Dordogne.

L’analyse de la biodiversité du monde souterrain devrait aussi permettre de mieux comprendre les conditions de vie passées et donc apporter des informations précieuses sur les évolutions géoclimatiques. Si certaines populations d’espèces de surface se sont adaptées aux conditions extrêmes de la vie souterraine, et se sont différenciées en espèces, d’autres ont été piégées sous terre lors d’épisodes majeurs de changements climatiques comme le réchauffement post-glaciaire et ont peu évolué.

1 : Les collemboles sont de petits hexapodes terrestres de 0.2 à 4 mm vivants dans les sols, dans la végétation et dans les grottes. Avec les acariens et certains microcrustacés aquatiques, ils demeurent les moins connus des invertébrés.

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